LE MEILLEUR MOI
Rose Pernot
Bonjour, bonjour ! Nous faisons aujourd’hui un détour du côté des auto-édités pour un nouveau petit roman sur la thématique du harcèlement à l’école, une thématique qui, vous le savez, est très importante pour moi.
Cercle vicieux
Depuis le collège, Annabel est harcelée par Katia et son groupe qui la surnomment « Vampire ». Elle pouvait cependant compter sur ses deux meilleures amies là-bas, ce qui n’est plus le cas à son entrée au lycée, lorsqu’elles lui annoncent qu’elles souhaitent prendre leurs distances.
Annabel se réfugie dans ses livres pour échapper à son quotidien de plus en plus mouvementé : un professeur de mathématiques qui l’humilie en public, un de ses camarades qui lui envoie des signaux contradictoires et des moqueries qui se transforment de plus en plus en menaces voilées… C’en est trop !
La jeune adolescente décide de sortir de cette spirale infernale en se fixant des objectifs, et soutenue par un mystérieux correspondant en ligne qui semble la comprendre mieux que personne.
Mais devenir quelqu’un d’autre du jour au lendemain est plus difficile qu’elle ne le pensait.
Le roman est disponible au format papier et numérique sur Amazon depuis le 7 mai 2022.
Briser le cycle de la violence
C’est un très bon premier roman que nous propose l’autrice. Il s’adresse avant tout à un public adolescent et en reprend la plupart des codes que l’on connait bien : on y parle d’amour, d’amitié, de la différence, des tracas de la vie adolescente, mais ce roman va plus loin en touchant également à des thématiques plus sombres comme faire face au deuil et le harcèlement scolaire.
On y découvre Annabel, une jeune lycéenne coincée dans un cycle de harcèlement depuis plusieurs années, même si, comme de nombreuses jeunes victimes, elle ne le considère pas comme tel et cherche à justifier sa position. J’ai trouvé cette posture intéressante et très juste. La plupart du temps, les victimes ne comprennent qu’elles ont subi du harcèlement scolaire qu’en sortant de ce harcèlement. Ça a été mon cas, et c’est le cas de malheureusement beaucoup trop d’étudiants aujourd’hui. Annabel, pour y faire face, s’est réfugiée dans les livres, la musique et le travail, là aussi une position de repli logique dont l’objectif est de devenir invisible.
Au début de l’histoire, Annabel veut sortir de ce cycle et décide de se donner des objectifs pour le faire visant à booster sa confiance en soi et à s’imposer davantage face à la grande antagoniste de ce roman, Katia, qui est celle qui a provoqué son harcèlement en premier lieu. L’histoire est portée davantage vers cet espoir de s’en sortir plus que sur le harcèlement en lui-même. Le titre du livre reflète cette volonté d’Annabel de se forcer à devenir quelqu’un d’autre, quelqu’un que les gens apprécieraient, au détriment de ce qu’elle est en réalité. L’espoir se trouve dans le fait que c’est en essayant de devenir quelqu’un d’autre qu’elle va finir par se trouver elle-même. L’histoire est une grande quête de l’identité, un des thèmes majeurs du roman adolescent aujourd’hui.
J’ai beaucoup aimé la manière dont le roman traite le sujet, avec un regard très juste sur ce qu’est le harcèlement scolaire et la spirale infernale qu’il entraîne. Le personnage principal est très attachant, et on a vraiment envie de la voir s’en sortir, même si le sort persiste à s’acharner sur elle. Il y a des moments d’espoir, d’autres où l’on se sent piégés, un combat contre la violence psychologique avec des hauts et des bas comme c’est effectivement le cas dans la vraie vie.
La fin du roman m’a plu également, même si elle est sans doute très optimiste et oublie un peu les conséquences du traitement qu’a subi le personnage. Néanmoins, elle est à défaut satisfaisante et permettra sans doute de donner espoir aux quelques concerné.e.s qui lisent le roman.
Ce que j’ai également aimé, c’est que le roman touche aussi à d’autres thématiques, notamment le deuil, qui explique une partie du harcèlement d’Annabel, et qui est un poids qui pèse sur l’intrigue. Il y a aussi la relation d’Annabel avec la littérature et la musique qui est aussi très intéressant, avec plein de liens entre les textes qu’elle lit et sa propre personnalité. Je ne comprends pas d’ailleurs pourquoi elle est autant obsédée par les mathématiques alors qu’elle a une vocation toute trouvée, mais pourquoi pas. Je trouve dommage que ce point n’ait pas été abordé.
Il y a enfin la partie épistolaire de l’histoire que j’ai beaucoup, beaucoup apprécié. Annabel est contactée de l’histoire par un inconnu, par mail, et s’engage une correspondance en ligne très riche, presque comme un journal intime. On a envie de savoir qui est le correspondant, mais en même temps, cela briserait le caractère intime de leurs interactions et ramènerait Annabel à cette réalité qu’elle n’aime pas, d’où son dilemme tout au long de l’histoire si elle souhaite en savoir plus ou non, ce qui est une excellente idée.
Nous sommes dans un roman adolescent, donc forcément, on retrouve à côté de ça les thématiques de l’amour et de l’amitié, parfois un peu trop présentes à mon goût, ainsi que plusieurs clichés et coïncidences pas si surprenantes, comme la révélation de qui est le correspondant mystérieux d’Annabel, ou toute cette scène à la fête foraine. J’ai parfois eu également un peu du mal à comprendre les sautes d’humeur du personnage principal, qui cherche à s’effacer, mais parfois, sans raison, se met à répondre et à combattre l’autorité, ce que je n’ai pas toujours trouvé très logique. Je trouve l’arc final un peu trop dramatique également, presque théâtral, ce qui donne aussi cette impression de déconnexion avec le reste de l’histoire, cette surpositivité qui surprend et détonne un peu avec le reste de l’intrigue.
Mon grand regret, également, c’est que les adultes sont un peu trop caricaturaux. Le prof de maths tyrannique sans raison valable, le père tellement mou qu’on dirait qu’il a fondu à côté d’un radiateur, le proviseur au jugement expéditif… Je veux bien que le texte soit anti-adultes, c’est un roman adolescent, mais là ça se rapproche plus de la parodie que de la caricature par moment, on a du mal à les prendre sérieusement.
Malgré ces petits points faibles, ça reste un très bon roman qui se lit très bien et avec lequel on a forcément une grande connexion, puisqu’il demande au lecteur d’essayer de comprendre. Le personnage s’adresse par ailleurs plusieurs fois à nous, comme si le lecteur était une partie de son journal intime, ce qui rend plutôt bien. Le message du texte est très positif et les représentations exactes, malgré quelques petits clichés qui auraient pu être évités.
Je recommande à un public qui recherche des lectures sur le harcèlement scolaire, et aux amateurs de romance, parce quoi, bien sûr qu’il y a une romance. Il plaira assurément à de jeunes lecteurs, c’est une très bonne porte d’entrée vers la littérature !
Un petit extrait ?

Je lance le timer sur mon téléphone pour courir les deux premières minutes, avec Caramel qui me tire en même temps.
Pour l’instant, je suis rassurée, je ne croise que des personnes âgées. Je continue en suivant le plan prévu. Je dois parfois m’arrêter lorsque Caramel veut renifler un tronc d’arbre et y laisser sa trace. À un moment, je passe sur un sentier aménagé qui donne l’impression de passer au-dessus de l’eau.
C’est comme un grand pont de pierre blanche qui monte puis descend. Cela me fait penser au « lac des Miroirs » dans Anne… la maison aux pignons verts, un livre qui fait partie de mes classiques. Au plus haut du pont, je surplombe le lac et j’imagine à sa place « le lac aux eaux étincelantes ». Le soleil se reflète sur chaque petite vaguelette et crée un chatoiement de lumière. Le spectacle est éblouissant et pourtant je ne peux détourner mon regard. Je suis plongée dans le miroitement de l’onde, lorsqu’un crie m’en détourne :
— Mademoiselle ! Votre chien !
La seconde qui suit, je réalise que ma main est vide, j’ai lâché la laisse. Je me retourne, le vieux couple qui m’a apostrophée pointe leur bras vers le bas. Caramel patauge sur la berge. Je hurle :
— Caramel ! Viens ici !
Il m’entend et remonte vers moi, en traînant sa laisse. Je prie pour qu’elle ne s’accroche pas quelque part. C’est alors qu’il repère quelque chose et se met à détaler dans une autre direction, dans le bois. Je cours à sa poursuite.
Voilà, tu voulais courir, t’es servie, Annabel !

C’est tout pour aujourd’hui ! Merci d’être toujours aussi nombreux à lire mes articles et à très bientôt pour de nouvelles chroniques ! Des bisous !
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