[Inceptio] Royal – Paula Alexander & Hedgye Canyon

ROYAL
Paula Alexander & Hedgye Canyon

Hello, hello ! On poursuit les chroniques du mois avec une deuxième chronique en science-fiction chez les éditions Inceptio. Cette fois-ci, on parle uchronie et révolution avec Royal, le roman à quatre mains de Paula Alexander et Hedgye Canyon.

Mort à la République, vive le Roi !

En 1789, la Révolution Français n’a pas eu lieu, avortée et réprimée dans le sang. La monarchie a continué à prospérer, mais l’espoir d’une révolution, lui, ne s’est jamais éteint. Dans les années 2030, noblesse et tiers état cohabitent tant bien que mal, malgré des tensions de plus en plus importantes.

Aliénor de Bouvier fait partie de la noblesse, mais elle est l’une des figures de la rébellion. Son rêve ? Renverser cette monarchie qu’elle déteste et qui l’emprisonne dans un rôle qu’elle ne supporte plus. Mais attention à ce que l’on souhaite. Sa position est sensible et, dans la chute, elle pourrait perdre bien plus qu’elle ne le pense.

Arthur, lui, fait partie du tiers état. Il s’apprête à participer à un rituel bien étrange qui, s’il réussit, pourrait lui permettre de devenir comte ou même duc. Mais avant celà, il va devoir séduire une prétendante aussi capricieuse qu’imprévisible. Son objectif n’est pas la gloire, mais la famille. Il espère qu’en gagnant, il pourra sauver sa soeur, Ella, atteinte d’une maladie mystérieuse qui gagne du terrain, apparue à la suite de ce même rituel, mais surtout comprendre pourquoi celle-ci s’est déclenchée. Cependant, il sait, lui aussi que, s’il perd, il pourrait également tout perdre.

Leurs destins vont se croiser, pour le pire et le meilleur. De secrets en trahisons, de quête de vérité en mensonges forcés, ils vont tous les deux devoir faire face aux conséquences de leurs actions, qui pourraient bien se répercuter dehors, auprès de ces révolutionnaires qui ne demandent qu’un prétexte pour lancer l’assaut.

Royal est disponible depuis le 12 avril 2022 aux éditions Inceptio. Le roman est disponible au format papier et numérique. Vous pouvez vous le procurer sur le site de la maison d’édition.

Remèdes miraculeux et miracles ratés

C’est encore une fois un texte très intéressant que nous propose les éditions Inceptio ! Entre uchronie et romance royale, il y a largement de quoi se faire plaisir.

Il s’agit donc d’une uchronie, un genre assez inhabituel qui consiste à changer un événement historique du passé et faire reprendre l’Histoire à partir de l’élément modifié. Ici, la Révolution Française a raté et la monarchie a continué de prospérer jusque dans les années 2030, comme un peu partout en Europe, étant donné que c’était la Révolution Française qui avait lancé le mouvement. Pour autant, ce n’est pas une monarchie stable. Les révolutionnaires existent toujours et ne rêvent que d’une chose : prendre leur revanche et en finir avec ce régime qui ne leur correspond plus.

La technologie s’est plus ou moins développée avec le temps, mais reste peu présente. Il y a des innovations, de grosses innovations même, mais rien de très visible. C’est un peu mon regret sur ce texte. Nous sommes en 2030, mais on ne se sent pas vraiment comme en 2030, il n’y a pas grand chose qui a évolué et j’aurais aimé voir une monarchie hyper-technologique. J’ai regretté par exemple qu’on ne voit pas tant que ça les décors, à part ceux attendus, ou encore qu’il n’y ait pas un accent plus poussé sur le traitement des médias, de l’art, même si c’est brièvement mentionné. Les seules traces de technologie sont développées avec l’intrigue d’Aliénor. J’ai beaucoup aimé cependant que les limites entre noblesse et tiers état soient très visibles et bien tracées, avec des vies qui n’ont ni la même valeur, ni le même sens de la réalité, ce qui ressort très fort dans ce roman.

Ce qui ressort vraiment de l’intrigue, c’est vraiment toute la première partie où l’on suit Arthur lors d’un rituel glaçant où les prétendants, comme des objets de consommation, doivent prouver être à la hauteur des prétendantes qu’on leur a attribué à travers une série d’épreuves visant à analyser leur corps, leur… « endurance » et leur loyauté. J’ai adoré comment les prétendants sont traités comme des morceaux de viande, et jetés assez littéralement s’ils ne conviennent pas. C’est limite dystopique, c’est malaisant et c’est un gros exemple de la séparation entre cette noblesse qui se sent intouchable et le reste du peuple, qui vit une toute autre réalité.

Cette intrigue est très complète. On y parle aussi notamment de maladie et d’invincibilité, à différents degrés, de pardon et de repenti, de découverte de soi et des autres, et surtout d’espoir et d’envie de changement. J’ai beaucoup aimé les personnages, qui jouent très souvent sur plusieurs plans et plein de contradictions.

C’est le cas typiquement d’Aliénor, l’une des deux personnages principaux, à la fois attachée à son rang et qui rêve de renverser la monarchie juste par besoin viscéral d’échapper aux contraintes sociales. C’est un personnage intéressant qui, en s’engageant pour les autres, suit malgré tout des objectifs très égoïstes, et toute son intrigue tourne autour de cette dualité. Que cherche t-elle vraiment dans son combat ? C’est d’autant plus intéressant qu’elle a beaucoup plus à perdre à mener cette révolution jusqu’au bout qu’à rester avec les nobles.

Il y a ensuite Arthur, qui lui effectue le chemin inverse. D’abord inscrit au rituel pour des raisons égoïstes, à savoir l’envie de monter socialement pour avoir assez de pouvoir pour sauver sa soeur malgré le fait que tout le monde lui a annoncé qu’il n’y avait plus d’espoir, il se découvre peu à peu une ambition qui va l’amener à se battre pour les autres, sur un schéma plus important et qui risque de le dépasser.

Les deux personnages s’équilibrent lorsqu’ils sont tous les deux, d’abord de manière timide, puis de plus en plus appuyée à mesure que l’intrigue avance. Cela passe par une romance, bien sûr, mais pas seulement. Leurs objectifs, bien que différents, finissent par se rejoindre malgré eux, les poussant l’un envers l’autre bien malgré eux.

Plusieurs autres personnages présentent cette dualité entre amibitions égoïstes et lien aux autres. C’est le cas du père et du frère d’Aliénor, des différentes figures de la Révolution que l’on rencontre dans l’histoire. Les personnages qui choisissent un camp ou l’autre ont tendance à disparaître, tragiquement ou forcés de fuir, ce que j’ai trouvé super intéressant !

J’ai un peu moins accroché à la dernière partie de l’intrigue, qui je trouve manquait un peu de vrais enjeux et de scènes vraiment marquantes pour accompagner cette révolution que l’on voit venir, mais qu’on ne sent pas assez éclater. Je pense que c’est sur cette partie que plus d’informations sur le monde auraient gagné à être apportées. Pour autant, j’ai bien aimé le lien que l’on peut tisser entre la Révolution Française de 1789 et celle-ci, avec pas mal de points qui se rejoignent, parfois même un peu trop, ce qui renforce l’impression qu’on n’est pas en 2030.

La fin est ouverte pour une potentielle suite qui me laisse curieuse. Il y a clairement encore des choses à faire, à voir et à développer, et je pense qu’une suite pour parler du sort de la noblesse serait bienvenue ! J’adorerais suivre les personnages principaux une nouvelle fois également. Leur histoire est plus ou moins terminée, mais j’ai l’impression qu’il y a encore à dire.

Dans tous les cas, c’était une très chouette lecture, je ne me suis pas du tout ennuyée. Il y a plein de rebondissements et de bonnes idées, qui mériteraient certes parfois plus d’approfondissement, mais très bien trouvées. Les personnages sont attachants, le monde cruel, et je pense que cette petite uchronie dystopique plaira beaucoup à un public un peu plus jeune que moi, et surtout qui aime la romance, puisqu’elle occupe tout de même une partie importante de l’intrigue. J’ai passé un très bon moment !

Un petit extrait ?

— Merci monsieur Boudol. Maintenant, déshabillez-vous ! Entièrement.

Je suis déstabilisé par cette demande. Je ne suis pas de nature très pudique, mon séjour à la ferme de La Montagne ayant eu raison de cela il y a bien longtemps, mais je ne m’attendais pas à ce genre d’épreuve.

— Allons, jeune homme, pressons, pressons, semble s’agacer une autre voix féminine plus jeune.

Je m’exécute de mauvaise grâce, et tandis que j’ôte mes vêtements, je vois Constance se trémousser sur son siège, visiblement satisfaite du spectacle.

Une fois que je suis nu, un homme se lève et vient à ma rencontre. D’âge mûr, une canne à la main, il s’approche de moi et me détaille de pied en cap, me demandant tour à tour de lever un bras, ou d’ouvrir la bouche. Il me fait marcher en long et en large durant plusieurs minutes. Je suppose qu’il s’agit du médecin du jury.

Il repart d’un pas lent et j’entends sa chaise crisser. Durant de longues minutes, il griffonne sur son calepin, que je suppose disposé devant lui.

Constance s’impatiente :

— Monsieur le médecin, nous attendons votre verdict.

— Veuillez me pardonner, comtesse. Voici mes conclusions : médicalement parlant, il est séduisant. De bonne taille, il possède l’assurance d’un homme fier de son corps. Sa démarche et son maintien ne feront point défaut à une future fonction de comte. Il possède aussi la souplesse et l’aisance qu’apporte une pratique assidue d’exercices physiques. Il a pourtant gardé quelque chose d’enfantin, ce qui peut être un frein à sa prestance. Cependant, cela est une chose qui se corrigera avec l’âge. Son regard est rêveur, tourné vers un invisible avenir. La bouche est charnue, le menton énergétique, sa toison est abondante. Cela traduit une virilité indispensable à la continuité de votre lignée. De fines boucles viennent égayer son visage poupon, l’arcature de son nez imprime force, mais sans lourdeur. L’ensemble respire un charme subtil, racé, mélange de douceur et de fermeté, tout en suggérant une distance indispensable au futur rang qu’il pourrait avoir.

Au bout d’un long moment, il conclut, alors que je suis toujours nu devant mon « jury » :

— Vous l’aurez compris, médicalement parlant, je donne mon aval. Il ne ternira pas la lignée aristocrate de votre famille et vous conserverez par votre union, si tel est votre choix, votre lignée de comtesse de sang.

Et voilà, c’est tout pour aujourd’hui ! Merci d’avoir lu cette chronique jusqu’au bout et à très bientôt pour de nouvelles chroniques. J’en profite pour vous souhaiter un très joyeux Noël à tous, vu qu’on ne se reverra sans doute pas d’ici là !

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