[Inceptio] Albertine – José Carli

ALBERTINE – JOSÉ CARLI

Hello, hello ! On continue les chroniques du mois avec un deuxième roman fantastique ! Ça faisait longtemps qu’on en avait pas eu, au moins vous êtes servis ce mois-ci ! Et en plus c’est un gros coup de cœur !

La petite fille de la gare

Julien Caron fait partie de ces gens qui ont une vie bien rangée : une routine millimétrée, un job à la banque qui nécessite toute sa concentration et son petit appartement tranquille pour se reposer le soir. Mais depuis la mort de son père, Victor, ses habitudes sont troublées. Contrairement à sa mère, il a du mal à exprimer la moindre émotion pendant son deuil. Perturbé par cette introspection et par le besoin de s’occuper de sa mère, il ne sait plus vraiment où il en est.

Mais son quotidien explose complètement lorsqu’une petite fille fait irruption dans sa vie, et surtout dans son appartement. Il ne sait pas qui elle est, ni d’où elle vient, ni pourquoi elle est là, mais elle semble ne pas vouloir le lâcher et surtout, elle ne fait que causer du chaos dont il n’arrive plus à se dépêtrer. Celle qu’il a fini par surnommer Albertine lui gâche la vie et il souhaite s’en débarrasser.

Toutefois, lorsque l’occasion se présente, il hésite. Mais pourquoi donc ? Troublé, Julien commence à questionner son lien à la jeune fille, pour le meilleur et le pire.

Albertine est disponible aux éditions Inceptio depuis le 12 juillet 2022. Le roman est disponible au format papier et numérique sur le site de la maison d’édition.

Une ode à l’inspiration créatrice

C’est mon premier gros coup de cœur de l’année 2023 ! Si l’auteur vous semble familier, c’est normal. Nous l’avions notamment rencontré en 2019 avec son premier roman, Soline et le monde des rêves abandonnés, qui est important pour ce récit, mais je vous en reparle plus tard.

Nous nous trouvons dans le monde réel, et en plus dans le Nord. Ça fait toujours plaisir de reconnaître les lieux dont on parle dans certains romans, et là c’était énormément le cas vu que je connais parfaitement les lieux dont on parle, ce que j’ai trouvé super chouette. À cela vient se mêler un surnaturel entre pur fantastique, notamment avec l’irruption du monde dans le réel, mais aussi du merveilleux, avec des passages qui ressemblent presque à des mondes de contes de fée. J’ai trouvé le mélange vraiment chouette et différent de ce qui se fait habituellement dans ce type d’histoire. Je trouve que c’est une grosse réussite !

L’intrigue suit un seul personnage, Julien Caron, auquel j’ai immédiatement accroché. C’est un personnage très terre-à-terre, qui ne vit que pour son travail à la banque et s’est totalement isolé du monde pour rester à la disposition de sa boss tyrannique que j’ai eu envie de frapper tout le long de l’histoire. Il a une gestion des émotions assez particulière, qui consiste à ne rien montrer, et c’est l’une des raisons pour laquelle j’ai tant accroché au personnage. J’ai un point faible pour les personnages constipés émotionnellement. Je m’y suis attachée très, très rapidement, et son développement par la suite n’a fait que confirmer mon gros coup de coeur.

L’agent du chaos qui vient bousculer son quotidien tranquille, c’est Albertine. La petite fille est touchante, et ignorante sur plein de sujets, ce qui interpelle le lecteur presque immédiatement, mais sait ce qu’elle veut et n’hésite pas à le faire savoir lorsque les événements ne vont pas comme elle le souhaite. J’ai adoré son côté imprévisible et la manière dont l’intrigue, d’abord celle de Julien, puis de Julien et Albertine, finit par devenir centrée uniquement sur elle, comme si l’histoire elle-même s’était renversée pour se plier à ce qu’elle veut nous dire. Le but de l’intrigue, c’est de comprendre qui elle est vraiment et pourquoi Julien n’arrive pas à s’en détacher.

Si j’ai autant aimé le texte, c’est parce qu’il peut être lu de plusieurs façons, selon laquelle des trois intrigues on accorde le plus d’importance : le deuil de Julien, l’identité d’Albertine et, celle que j’ai apprécié le plus, la quête d’inspiration de l’écrivain. En apparence, c’est une sous-intrigue très secondaire de l’histoire : Julien était auteur autrefois, mais il a abandonné, faute d’idées. Pourtant, toute l’intrigue tourne autour de monde merveilleux imaginaires, dont on ne sait s’ils sont créés par Julien ou Albertine, et dont les couleurs évoluent selon si Albertine s’y trouve ou non, alternant entre mondes colorés et mondes très sombres, jusqu’à ce monde de la dernière partie, entièrement sombre, qui m’a immédiatement interloqué parce qu’il m’a immédiatement rappelé Soline et le monde des rêves abandonnés, dont c’est aussi l’une des thématiques majeures. J’ai longtemps douté sur si les histoires étaient connectées d’une certaine façon ou non, et la note d’auteur confirme que c’est effectivement le cas. Du coup cette lecture prend encore plus d’importance quand on la lit sous cet angle, et j’aurais adoré avoir plus de temps pour continuer de creuser ça.

Pour autant, les deux autres intrigues sont également très intéressantes. La question du deuil vient ici avec les questions de l’abandon et du pardon, que l’on retrouve également dans l’intrigue autour d’Albertine. Coïncidence ? Vous le découvrirez en lisant le roman ! La fin m’a surprise, mais est assez logique, et reste dans le fantastique en gardant un doute sur le réel de l’histoire ou son imagination totale.

C’est un récit bien complexe comme je les aime qui peut se lire de plein de façons possible, et j’ai trouvé que c’était vraiment un super coup de génie. Le tout s’accompagne de la plume toujours très poétique de José Carli que j’ai pris grand plaisir à retrouver ! Ce roman est un énorme coup de coeur, et je ne peux que vous le recommander chaudement pour passer un très chouette roman en ces nuits d’hiver bien froides.

Un petit extrait ?

— Monsieur, tout va bien ?

Julien se retourna. Un sans-abri allongé sur le banc à quelques pas le regardait d’un oeil vide. Il obstrua le micro de son téléphone de la paume de la main pour lui demander des comptes.

— Vous êtes malade ou quoi ? Pourquoi vous faites ça ?

Le pauvre homme maintint son regard absent. Julien s’éloigna, secoua la tête et reprit sa conversation.

— Désolé, il y a un clochard qui me tire les cheveux.

Un nouveau silence suivit. Puis un soupir.

— Bon, je reprends Monsieur. Il y a une petite fille chez vous.

— C’est ça !

— Comment s’appelle-t-elle ?

— Albertine. Enfin non, c’est moi qui l’appelle comme ça.

— Je ne comprends rien, Monsieur, je suis désolée. Vous me dites que c’est vous qui lui avez donné ce nom ?

— Oui, c’est parce que…

De nouvelles douleurs s’emparèrent de lui, comme la sensation que quelqu’un lui pinçait les avant-bras. Il produisit une succession de petits cris ridicules qui finirent d’inquiéter l’agent.

— Bon, Monsieur, voilà ce que je vous propose. Vous allez me donner votre adresse. Effectivement, j’ai l’impression qu’il y a un problème. Nous allons venir voir ce qui se passe, d’accord ?

— Oh oui, s’il vous plaît. J’habite…

Son téléphone devint instantanément brûlant au point qu’il ne put résister et dût le lâcher. Il se fracassa au sol en mille éclats de verre et de plastique.

— C’est pas vrai ! gronda-t-il au milieu de la rue en secouant frénétiquement le poignet. Il remarqua alors que toute une foule de voisins le considérait, entre consternation et frayeur. Il s’agenouilla pour ramasser les débris de son appareil.

Il leva le regard, et aperçut le visage furieux d’Albertine qui l’observait par la fenêtre de son logement.

C’est tout pour aujourd’hui ! Merci d’avoir lu cette petite chronique jusqu’au bout et rendez-vous très bientôt pour de nouveaux articles !

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